Surgissements du noir

Exposition du 6 septembre au 18 octobre 2019
Atoll art actuel (Victoriaville)


Texte rédigé par Anne-Sophie Blanchet, 2020 

À travers les deux corpus que sont De l’impossibilité de disparaître et Surgissements du noir, Mariane Tremblay pose un regard lucide et néanmoins empreint d’espoir sur le monde dans lequel elle évolue. Par ses oeuvres, l’artiste invoque l’émerveillement, le goût de la dérive dans le paysage et le plaisir des découvertes fortuites. Elle interroge également notre rapport au temps en s’intéressant notamment à cet intervalle qui sépare ce qui est et ce qui a été; ce qui perdure et ce qui s’éteint. En somme, elle s’intéresse à ce qui subsiste; c’est-à-dire à ces choses et ces sentiments qui – envers et contre tous – refusent de se dissiper. 

Avec poésie et simplicité, ces deux corpus s’inscrivent dans la poursuite d’une quête qui habite l’artiste depuis déjà plusieurs années : celle qui mène à la redécouverte de cette faculté d’émerveillement qui sommeille en chacun de nous et qui peut ressurgir à chaque instant si nous savons y être sensibles. Cet enchantement n’est donc pas un état, mais un désir. Il se gagne au prix d’une prise de conscience de l’inévitable entropie de notre existence et – de ce fait même – de la reconnaissance de préciosité de la vie, de la fragilité de la nature et de l’importance de notre patrimoine. 

Les photographies, les dessins et installations de Mariane se présentent comme ce que le philosophe et historien de l’art Georges Didi-Huberman appelle si joliment des « images-lucioles »; à savoir des images au bord de la disparition. À mi-chemin entre la noirceur et la lumière, des formes et des paysages apparaissent. De ces abîmes surgissent alors des potentiels. Moments fugaces, apparitions fortuites sitôt aperçues, sitôt disparues : les choses qui peuplent notre quotidien ne nous semblent plus si banales, car soudainement, nous en apprécions toute la fragilité. Il s’en dégage une réflexion sur la fugacité du temps et ce qui – de manière inexplicable et extraordinaire – persiste malgré tout; malgré la monotonie du quotidien; malgré la violence qu’on rapporte au bulletin de nouvelles du soir; malgré les petites et les grandes injustices du réel. 

En somme, cette quête de l’enchantement ne place pas les oeuvres de Mariane sous le signe de l’extatique et du simplement joli. À vrai dire, ces deux corpus inspirent sans doute davantage un sentiment de mélancolie, mais dans le sens romantique et sublime du mot. En effet, elles ne se présentent pas comme le résultat de l’entreprise, mais plutôt comme une forme de constat du chemin parcouru et des étapes à venir. Ainsi, à travers différentes expérimentations formelles où le noir se fait à la fois abyssal et lumineux, les oeuvres de Mariane induisent une réflexion allant bien au-delà des considérations strictement esthétiques et, surtout, sans prétendre à l’utopie. Elles révèlent plutôt le potentiel d’évocation qui se cache dans les objets et les paysages du quotidien. Le banal s’en trouve alors sublimé, interrogeant les conventions du regard et repoussant les lassitudes de ce qui nous est familier. Se faisant, le travail de Mariane nous invite à observer autrement le monde qui nous entoure afin d’y découvrir ou redécouvrir ses chemins de traverse et ses détours inattendus qui ouvrent sur de nouvelles et potentiellement merveilleuses perspectives. 


Partant du principe que de l’obscurité, tout peut apparaître, Surgissements du noir s’inscrit dans la suite de corpus d’œuvres dialoguant entre multiples quêtes du merveilleux, impossibilité de disparaître et observation de phénomènes uniques, parfois inexplicables. Habitées par la possibilité de remettre le sens des choses en perspective, les œuvres de l’exposition se présentent comme un rassemblement de cas isolés, des dérives autour du trou noir, de l’invisible, de l’inattendu et de la chance.

Par divers dispositifs et stratégies plastiques développés autour d’une esthétique de la rareté, Mariane Tremblay cherche à capter ou à provoquer le surnaturel dans l’ordinaire pour engager un processus de réenchantement.


Cette exposition a été rendue possible grâce au soutien du Conseil des arts et des lettres du Québec et de la MRC du Fjord-du-Saguenay (Entente de partenariat territorial en lien avec la collectivité du Saguenay–Lac-Saint-Jean), de Est-Nord-Est (Saint-Jean-Port-Joli) et du Centre SAGAMIE (Alma).

Créez un site ou un blog sur WordPress.com